Hommage à Georges Latour
Site officiel dédié à l'œuvre de Georges Latour, illustrateur à La Presse — 1910 à 1946


Origine et formation

Georges Latour est né le 17 octobre 1877 à Valleyfield. Il a étudié le dessin au collège des Frères des écoles chrétiennes à Sainte-Cunégonde — une ancienne paroisse située dans les environs du marché Atwater aujourd’hui annexée à la ville de Montréal.

Il a travaillé à la revue Passe-Temps et au journal La Patrie avant de commencer en 1910 une longue et prolifique carrière au journal La Presse, un quotidien montréalais toujours publié.


Il a aussi été échevin du premier conseil de la ville de Châteauguay où il possédait une maison d’été. Il était chef des dessinateurs de la rotogravure à La Presse au moment de sa mort en 1946 à l’âge de 68 ans.

Élève d’Albert-Samuel Brodeur

Latour aura un mentor hors du commun en Albert-Samuel Brodeur, premier illustrateur engagé à La Presse en 1892.
Déjà doté d’un talent exceptionnel, Brodeur aura l’occasion de raffiner son art car, pendant plusieurs années, il doit reproduire les portraits des acteurs de l’actualité à la main. Les techniques de reproduction du XIXe siècle ne permettaient pas la reproduction des photos dans le journal.


C’est donc d’un maître dessinateur que Latour recevra ses conseils. Lui aussi très doué, il deviendra à son tour l’illustrateur vedette du journal. Il deviendra célèbre en illustrant le supplément encarté dans La Presse du samedi appelé le Magazine illustré (ou la Revue illustrée, selon les époques). Ses dessins de sportifs publiés dans ce supplément en page 18 étaient les plus prisés. Aujourd'hui encore, les collectionneurs se les arrachent.

Légende:
Illustration de Georges Latour pour la une du magazine Le Passe-Temps en avril 1906.

Son oeuvre


Georges Latour a laissé une production artistique considérable, principalement composée d’illustrations dans plusieurs publications, mais surtout à
La Presse où il a passé la majeure partie de sa carrière. Son oeuvre ratisse toutes les sphères d’activité et dresse un portrait de la société québécoise d’avant la Révolution tranquille à partir du début du XXe siècle. Le style réaliste aux influences traditionnelles qu’il utilisait contribue au réalisme de cette fresque.

Légende de la photo:
Médaille gravée reçue par Georges Latour en 1894 pour souligner sa graduation de l’école de dessin de Sainte-Cunégonde. Gracieuseté de Georges Latour petit-fils. 

Photo François Roy, La Presse

Les sports illustrés

La partie la plus célèbre de l’œuvre de Georges Latour reste ses dessins de sportifs publiés en page 18 du supplément illustré de La Presse du samedi de 1928 à 1932.

Tous les sports à la mode à cette époque sont illustrés : le golf, la boxe, la voile, la natation, les courses hippiques et bien d’autres, mais les plus prisés demeurent le baseball et le hockey.

La facture des dessins est simple et efficace, parfois naïve et même maladroite. Il faut se rappeler que les méthodes de reproduction de l’époque faisaient de ces pages illustrées en couleurs un véritable tour de force qui éblouissait les lecteurs. Cela explique partiellement pourquoi on retrouve toujours de ces pages chez les collectionneurs. Les lecteurs prenaient soin de conserver ces portraits en couleurs qui étaient très rares à ce moment.




Bien qu’on ne connaisse pas en détail les moyens de production utilisés à l’époque, on peut présumer que ces pages étaient fastidieuses à produire. La base de travail de ces illustrations était généralement des imprimés en hauts contrastes de photos des joueurs. On enlevait une grande partie des détails de la photo à laquelle il ne restait que les contours les plus significatifs. Ensuite, Latour colorait l’imprimé à l’aide d’un médium liquide (aquarelle ou encre) et finissait le dessin au pastel sec ou au fusain. La complexité des modes de reproduction transparaissait parfois dans le produit imprimé : si certaines pages étaient soigneusement illustrées, d’autres semblaient bâclées à la hâte. On a même publié une illustration d’un joueur du Canadien sans la partie du bas qui identifiait le joueur!

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Georges Latour, sa femme Annette et sa fille adoptive, Thérèse Laliberté en 1942.

Légende 2:
La page dédiée à Howie Morenz est celle dont la valeur est la plus élevée aux yeux des collectionneurs.

 
Voyez une édition complète du Magazine illustré d’août 1944, le supplément encarté dans le journal La Presse, un quotidien montréalais toujours publié:




Howie Morenz, la Ligue nationale et le hockey amateur



Les portraits des joueurs du Canadien de l’époque valent leur pesant d’or. En bon état, les collectionneurs peuvent les payer de 50$ à 800$, selon le joueur. Les plus chers sont les portraits d’Howie Morenz, la grande vedette du Canadien dans les années 1920, et l’hommage posthume au légendaire gardien Georges Vézina, mort quelques années plus tôt en 1926.
Les pages d’Aurèle Joliat et du gardien George Hainsworth possèdent aussi une bonne valeur ainsi que certains autres joueurs vedettes de l’équipe : Pit Lépine, Johnny Gagnon, Wildor Larochelle, Sylvio Mantha et Battleship Leduc.

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La fameuse page hommage posthume à Georges Vézina, le gardien du Canadien de la première époque qui a donné son nom au trophée donné au meilleur gardien de la LNH.

Tous les joueurs du Canadien des années 1928 à 1932:

Le joueur inconnu


Que s’était-il passé les semaines du 30 novembre et du 7 décembre 1929? Ce 7 décembre, l’illustre page 18 montrait le portrait d’un joueur du Canadien sans description pour l’identifier. Aucune mention du nom du joueur n’ornait le bas de la page. L’actualité de la semaine avait-elle soudainement exigé toute l’attention du département d’illustration? Un membre de la famille de Latour était-il tombé malade?

Il nous a fallu du temps pour résoudre l’énigme. La clé a été la découverte d’une photo de Gordon Fraser, un défenseur qui a connu une carrière éphémère avec le Canadien — 10 matchs au total dans la saison 1929-30. Selon cette photo, le portrait publié au-dessus de la page du 30 novembre n’était pas celui de Fraser. Il correspondait plutôt à celui publié sans légende le 7 décembre. En étudiant attentivement la photo d’équipe qui figure au début du «flip book» sur le Canadien que vous pouvez feuilleter sur ce site, on peut voir que le joueur aux cheveux noirs lissés qui était dessiné dans la page est présent dans le portrait d’équipe.

Selon la légende, il s’agit de Nick Wasnie, un ailier droit qui a joué trois saisons pour le Canadien. Gordon Fraser avait déjà quitté le Canadien et était absent du portrait qui célébrait les champions de la Coupe Stanley de cette saison.

Une rivalité plus intense que Canadien-Nordiques


Après avoir dessiné la plupart des joueurs du Canadien, La Presse a décidé du publier des portraits des vedettes des autres équipes de la Ligue nationale de hockey. Plusieurs joueurs des Maroons, l’équipe des anglophones de Montréal et la grande rivale du Canadien, ont aussi eu droit à leur page. Leurs joueurs étoiles se nommaient Nels Stewart, Babe Siebert, Hooley Smith, Red Dutton et le gardien, Clint Benedict. Là encore, la valeur de la page fluctue en fonction de la popularité du joueur.

Légende:
Nels Stewart, joueur de centre des Maroons surnommé «The old poison», détenait des records offensifs que Maurice Richard avait réussis à abaisser le premier.


Voyez toutes les pages publiées sur les ennemis jurés du Canadien de l’époque en cliquant ici:

Les vedettes de la LNH

Dans les autres équipes de la Ligue nationale, les pages les plus recherchées sont celles d’Eddie Shore (environ 400$ sur le marché), Lionel Conacher, Chuck Gardiner, Frank Boucher ainsi que celle de Bill Cook et Bun Cook.


Souvent Georges Latour se contentait de colorer ces photos, mais parfois il ajoutait un décor de son cru dans des ornements bien de l’époque.

Le décor à l’arrière d’Eddie Shore est un ajout de Georges Latour. Les personnages jouant au hockey ont un air plus juvénile que les joueurs auxquels on était habitué dans la Ligue nationale à ce moment. Le jeu était très rude et les joueurs, bien que moins costauds qu’aujourd’hui, étaient de véritables durs. L’équipement était sommaire et les blessures étaient nombreuses.
On remarque que plusieurs joueurs portent la casquette sur la page dédiée à Normie Himes des Americans de New York (ainsi que sur celle de Johnny Gagnon du Canadien). La pratique était courante pour les parties extérieures, mais moins fréquente dans la Ligue nationale. Deux joueurs étaient réputés pour toujours porter la casquette lors des matchs : Normie Himes des Americans et Aurèle Joliat du Canadien. Georges Vézina, lui, gardait les buts avec sa tuque comme sur la photo.

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La fameuse page qu’a faite Latour sur le légendaire Eddie Shore.

Consultez cette galerie de vedettes de notre sport national en feuilletant le magazine suivant:


Même le hockey amateur
La plupart des illustrations de hockey portent sur les vedettes de la LNH, mais le hockey amateur avait aussi ses étoiles qui étaient populaires auprès des lecteurs. Raymond Boulanger, le gardien du club Champêtre de la Ligue Mont-Royal, et Lucien Brunet, le joueur vedette de la Banque Nationale, ont été les héros d’une parution. Eh oui, il y avait même une ligue des banques!

Voyez toute la collection des hockeyeurs amateurs dessinés par Latour dans un cahier sur les sports d’hiver.

Le baseball et les Royaux


Les Royaux de Montréal étaient l’équipe-école des Dodgers de Brooklyn de la Ligue nationale de baseball. Ils évoluaient dans la Ligue internationale, l’échelon qui menait directement aux grandes ligues. Les Montréalais adoraient leur équipe et le calibre de la ligue était excellent. La Presse a publié plusieurs portraits des joueurs des Royaux et de la Ligue internationale.

Voyez les portraits des joueurs des Royaux dans le magazine virtuel suivant:


Les autres équipes et le baseball majeur
Bien sûr, rien ne vaut les ligues majeures surtout lorsqu’il est question de la valeur des pages de baseball les plus recherchées par les collectionneurs. La page du légendaire Babe Ruth, des Yankees, a une valeur égale ou supérieure à celles d’Howie Morenz et de Georges Vézina. Les portraits des Athletics de Philadelphie de Connie Mack et ceux de Lefty Grove, Hack Wilson et Pepper Martin sont aussi des pièces de collection de grande valeur.

Feuilletez ces archives exceptionnelles en cliquant sur le document suivant:


Hack Wilson a été une grande vedette du baseball majeur. Lisez son histoire en cliquant sur ce lien:

La boxe et la lutte



Les sports de combat étaient extrêmement populaires au début du XXe siècle. Les conditions de vie étaient beaucoup plus rudes qu’aujourd’hui et les gens appréciaient les hommes forts et les durs à cuire. Les amateurs prenaient volontiers des paris sur l’issue des combats. Ils faisaient régulièrement la une du journal, bien plus souvent que les joueurs de la Sainte-Flanelle. Les boxeurs et lutteurs avaient une large part des portraits illustrés dans La Presse.

Avec le recul, on ne peut pas toujours dire de ces athlètes qu’ils avaient l’air terrifiant ! Leur posture raide et posée était la norme à l’époque. Il faut se rappeler que la photographie était un art relativement jeune à ce moment et qu’on avait encore l’habitude de demeurer immobile pendant une période assez longue pour ne pas avoir une photo floue. De plus, ces hommes n’étaient pas les athlètes surentraînés d’aujourd’hui aux muscles gonflés par les substances illicites.
Un regard à la page du boxeur Sylvio Mireault nous permet d’affirmer que Jean Pascal n’en aurait fait qu’une bouchée. Le lutteur Stanislaus Zbysko peut bien tenter de rentrer ses « abdominaux », il n’est pas très effrayant dans ses pantoufles. Face à lui, courir semble une très bonne stratégie. L’endurance ne semble pas sa force !
Par contre, la physionomie d’Ed « Strangler » Lewis inquiète. La jolie bécasse du concours des oiseaux à colorier de La Presse qui orne le bas de la page ne trompe personne. Ed donne l’impression qu’il va l’étrangler sous peu.

Légendes:
La page dédiée au lutteur Stanislaus Zbysko dans La Presse (en haut) et une photo du réel Zbysko en action (photo tirée du site Wikipedia du lutteur).

Voyez toute la galerie des durs de cette époque et leurs curieux accoutrements en feuilletant le document suivant:

La page sur Zbysko est beaucoup moins impressionnante que le réalité. Découvrez-la sur ce site:
http://en.wikipedia.org/wiki/Stanislaus_Zbyszko

Voyez Ed Lewis à l’entraînement en 1926 :

Les sports d’été



Le baseball avait la cote d’amour des Québécois à cette époque, mais plusieurs autres sports leur plaisaient aussi. La Presse a publié des illustrations de sports qui gagnaient tranquillement en popularité : le golf, le football, le tennis et le cyclisme ainsi que d’autres dont la popularité a stagné ou régressé depuis : les courses de chevaux, les grandes épreuves de natation, le yachting et l’escrime.

Légende:
Difficile de croire que le nageur français, Georges Michel, ait remporté la traversée de la Manche avec son physique «généreux». Le décor ajouté par Latour est aussi très étonnant.

Regardez ces sports en cliquant sur le portfolio suivant:

Un francophone à l’origine de la popularité du golf


Le golf professionnel commençait à être populaire et plusieurs vedettes de ce sport naissant ont eu droit à leur page dans La Presse : Johnny Farrell, Gene Sarazen, Tommy Armour et le légendaire Francis Ouimet, Franco-Américain fils d’un Québécois, qui avait gagné le US Open de 1913 à l’âge de 20 ans seulement. Ouimet était considéré comme le grand-père du golf en Amérique et le réalisateur hollywoodien Bill Paxton a fait un film sur sa vie qui mettait en vedette Shia LaBeouf (aussi vedette des films Transformers) appelé The Greatest Game Ever Played.


Voyez la bande-annonce du film : http://trailers.apple.com/trailers/disney/thegreatestgameeverplayed/large.html

Loin d’Ocho Cinco


Le football professionnel avait débuté en 1920 et le premier match de championnat officiel a été disputé en 1933. La NFL telle qu’on la connaît — constituée de l’AFC et la NFC — fut fondée en 1970. Il n’est donc pas étonnant que La Presse n’ait publié que deux pages sur le football.

Une d’entre elles met en vedette le quart-arrière des Fighting Irish de l’Université Notre-Dame, John Chevigny. Chevigny est passé à l’histoire après avoir compté le touché qui égalait le pointage dans un match contre l’équipe de l’armée américaine largement favorite. Les Fighting Irish étaient pilotés par le légendaire et charismatique entraîneur Knute Rockne, devenu une icône du football américain depuis. Ce match a été un des moments marquants de l’histoire sportive américaine. La fiche de Rockne comme entraîneur de Notre-Dame (entre 1918 et 1930) fut de 105 victoires, 12 défaites et 5 matchs nuls pour un pourcentage inégalé de ,881. Cette marque tient toujours tant chez les professionnels qu’au football universitaire et Chevigny fut l’artisan de la plus grande victoire de Rockne.

Le discours de la mi-temps de Rockne a été immortalisé dans un film dont Ronald Reagan était la vedette, lisez le dialogue de cette scène : http://pregamespeeches.com/WinOneForTheGipper.aspx

Les femmes et le sport


Les femmes ont obtenu le droit de vote en 1940 au Québec. Il ne faut donc pas se surprendre que peu d’entre elles deviennent connues en pratiquant un sport. La Presse a quand même consacré quelques pages aux sportives de haut niveau de cette période. Ces pionnières s’adonnaient à la raquette, la natation, le tennis et au patinage artistique. Parmi elles, une seule est devenue réellement célèbre, la Norvégienne Sonja Henie qui avait remporté trois fois d’affilée la médaille d’or dans cette discipline aux Jeux olympiques de 1928, 1932 et 1936.

Consultez les oeuvres de Latour sur les sportives des années 1920 et 1930 en cliquant sur l’album suivant:

Voyez la jeune Sonja Henie en 1928 :

Un style illustratif traditionnel des pages d’athlètes


Généralement les illustrations et peintures de Georges Latour conservaient un style réaliste et traditionnel, mais, dans une carrière de plus de 50 années, il est normal de changer occasionnellement de style. Ainsi, sur quelques pages, on peut voir que Latour et son équipe faisaient quelques tentatives ou se laissaient influencer par les courants à la mode.

Les débuts : le Canadien
Les premières illustrations de la série sur le Canadien étaient toutes serties d’un cadrage qui imitait un encadrement de bois très classique. Par la suite, Latour a fréquemment utilisé des enjolivures de style art nouveau très élégantes.
Une des plus réussies de la série sur le Canadien était celle de Johnny Gagnon publiée le 29 décembre 1930. Le graphisme était banal, mais le rendu de l’illustration du joueur utilisait des couleurs vives qui contrastaient avec un arrière-plan tout en douceur qui représentait un décor champêtre avec une maison rustique jaune sur un ciel bleu délavé. Latour a dessiné une bande de joueurs à peine esquissés qui rappelaient plus une partie sur une patinoire de village qu’un match de hockey professionnel. L’ensemble était très réussi.